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Les rencontres d’Arles 2006

Au fil des ans, les rencontres d’Arles ont eu des hauts et des bas, souvent liés à la difficulté de fidéliser ses sponsors privés. Il y a trois ans l’édition mise en place sous la direction artistique de Martin Parr avait eu un écho médiatique important à la fois lié à la personnalité du photographe et à sa programmation. Pour ne pas renouveler l’erreur de l’an passé qui n’avait pas fait appel à un grand nom de la photo en guise de commissaire d’exposition, la 37 ème édition à confié ce rôle a Raymond Depardon.

Raymond Depardon
© Didier Gualeni

Cet homme de convictions de 64 ans, photographe et cinéaste qui dispose d’un "capital sympathie" indéniable, a eu recours à la fois à des compagnons de parcours et à des photographes plus jeunes. Il est intéressant de noter qu’au début des expositions et pour chaque photographe, Raymond Depardon explique en quelques lignes les raisons de son choix en tête des textes de présentation. De par son expérience de photojournaliste, la programmation est davantage tournée vers la photographie de reportage et la photo de société.

L’académie des Beaux Art a créé une section consacrée à la photographie et le créateur débonnaire des rencontres d’Arles qu’est Lucien Clergue, y dispose d’un siège depuis le mois de mai dernier en compagnie de Yan Arthus-Bertrand. Si ses amis photographes le taquinent en l’appelant « Monsieur l’Académicien », on ne saura jamais suffisamment le remercier pour cette initiative, qui donne à la France un festival unique d’une ampleur internationale. L’atout majeur d’Arles est sa dimension humaine, car on croise au détour d’une ruelle ou d’une expo, Martin Parr, Josej Koudelka, Guy le Querrec ou Raymond Depardon en personne. Avec 67 expositions, de nombreuses conférences, stages, ateliers et projections au théâtre antique, la manifestation a pris une ampleur gargantuesque qui est un vrai régal pour le passionné de photo. Par contre une nouvelle pratique, contestable a vu le jour. Depuis l’origine des rencontres d’Arles, on peut montrer son book ici ou là, de façon informelle et la tradition se perpétue. Cette année, les organisateurs ont voulu innover avec des séances de book payantes (10 rendez-vous de 20 minutes pour 220 euros) avec des photographes, des commissaires d’expositions et des galeries. Si l’idée d’organiser les rendez-vous pour déceler de nouveaux talents à travers leurs books est très bonne, le fait de faire payer une somme non négligeable est malhabile (on est bien au delà d’une somme symbolique qui évite de perdre du temps avec des gens qui ne se présentent pas au rendez-vous) et ne tient pas compte du statut précaire de nombreux photographes jeunes et anciens. Raymond Depardon a d’ailleurs signalé dans son discours d’ouverture que la profession était en évolution et a fait remarquer que pour de nombreuses personnes exposées aux rencontres, peu ne vivaient pas à plein temps de leur activité de photographe et aucun ne bénéficiaient comme les intermittents du spectacle d’un statut particulier.

En contre point de cet aspect, HP qui sponsorise les rencontres depuis 3 ans a installé dans une chapelle désaffectée (qui a conservé son cœur aux enluminures baroques) et pour une période d’une semaine, une machine de presque 3 tonnes : "l’Indigo 5000". On retrouve ce monstre de technologie chez Photo Service, Fuji, Photoways, et bien d’autres (avec cette machine HP détient 90 % du marché français de l’impression de livre photo). En partenariat avec Photo Service, pendant la première semaine des rencontres, le premier venu ou le photographe de Magnum peut faire imprimer gratuitement un book en un clin d’œil. Il suffit d’observer la réaction du photographe quand il prend possession de son book, pour remarquer une attitude quasi religieuse, un état de béatitude devant la reproduction de ses photos, et puis l’envie de convertir l’entourage, de faire partager sa création. On s’étonne encore du saut technologique franchi qui donne cette faculté d’imprimer en un rien de temps avec une qualité professionnelle un livre d’images. Chacun peut disposer ainsi de son quart d’heure de célébrité et flatter son ego. La très grande qualité des books (39 euros pour 40 pages avec une reliure à spirale) aidera indéniablement le photographe dans la présentation de son travail. Ceux qui ont investi dans un tel projet industriel ne s’y sont pas trompé. En effet depuis que les femmes qui s’occupent traditionnellement de l’album photo de famille, se sont mises sur internet (car on peut réaliser son book à partir de chez soi, par internet) les machines tournent à un bon rythme, il ne reste plus qu’à convaincre les photographes...

Les ateliers SNCF à Arles
© Didier Gualeni

Dans le cadre de cette édition 2006, je vous conseille tout particulièrement les ateliers SNCF, avec le travail de Philippe Chancel sur la Corée du nord, la très grande présentation des photos de Guy le Querrec, les images de Vincent Debanne et de Gilles Leimdorfer, puis à la chapelle Saint Martin du Méjan, une scénographie originale autour d’une série de Sarah Moon et le travail de Paolo Ventura. Il faut également visiter un appartement vide où sont collées à même le mur les photos de Sophie Ristelhueber. Enfin au musée Arlaten les photos d’Ivan Boiko nous plongent hors du temps chez les vieux croyants de Russie.