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Manufactured Landscapes

Avouons le, la France célèbre peu la photographie canadienne. Précurseur, le Théâtre de la Photographie et de l’Image de Nice présentait en septembre 2006 une rétrospective du portraitiste canadien Yousuf Karsh. Cette année, jusqu’au 26 août, il expose les oeuvres de 9 photographes canadiens contemporains.
Spontanément il est difficile de citer quelques noms, pourtant Gregory Colbert, créateur de l’exposition itinérante internationale Ashes and snow (Cendres et neige), bestiaire du XXIe siècle, est sans doute le plus connu. Le canadien Larry Towell, membre de l’agence Magnum, remportait en 2005 le Prix HCB pour son travail intitulé "No Man’s Land". En 2004 Edward Burtynsky était le lauréat du Prix Dialogue de l’humanité aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles. Le Centre culturel canadien basé à Paris nous fait découvrir dans son bel hôtel particulier, des artistes de renommée internationale comme John Massey, Jocelyne Alloucherie, Yousuf Karsh ou Donigan Cumming. C’est à présent au tour d’Edward Burtynsky d’être à l’affiche jusqu’au 25 août avec une exposition et un livre intitulés « Manufactured Landscapes » (paysages industriels).

Oil Fields No. 1, Belridge, California 2002
© Edward Burtynsky

D’origine ukrainienne, Edward Burtynsky est né dans l’Ontario en 1955. Il a passé son enfance dans un paysage industriel fortement marqué par la présence des usines General Motors. Le décès de son père à l’âge de 45 ans, dû à une maladie professionnelle et l’héritage du labo photo d’un voisin décédé, ont contribué à forger sa passion pour la photographie et sa prise de conscience sur les méfaits de l’industrie envers l’espèce humaine. Les images d’Edward Burtynsky ne laissent pas indifférent. Elles représentent l’industrialisation dans toute sa puissance et sa démesure, laissant des plaies visibles sur la surface de la terre. Burtynsky nous renvoie l’image d’un monde malade, d’une exploitation intensive, de l’orchestration du pillage des ressources naturelles dont le seul but est d’assouvir nos besoins de consommation immédiats.

Que ce soit une armée de pompes en plein désert, qui tournent jour et nuit pour extraire le pétrole du sous-sol, des coulées rouges de nickel qui se répandent dans la terre ou de gigantesques mines à ciel ouvert qui laissent béantes des cicatrices, les photos d’Edward Burtynsky ont une esthétique plaisante, elles accrochent l’oeil. Le photographe constate que la main de l’homme a transformé le paysage mais cette saignée prend une dimension esthétique, pratiquement religieuse. Le sacrifice de la terre devient beau, le photographe magnifie le désastre, il joue sur les couleurs, la démesure des interventions, la répétition des coups portés. Ces paysages ne sont pas à la portée de tous, le plus souvent on se croit sur une autre planète. Burtynsky est allé à leur recherche à travers le monde dans des endroits perdus. Ce travail préfigure celui qu’il a réalisé sur la Chine ces trois dernières années. L’homme est là, tout petit, pour donner une idée de l’échelle de l’entreprise, il sert les intérêts d’une puissance invisible, prisonnier d’un système.

Edward Burtynsky parvient à créer des images simples, on pourrait même parler d’images de chantier, leur taille, la finesse des détails, la situation énoncée, imposent le respect. Il apporte un renouveau à la photographie industrielle, initiée il y a bientôt 60 ans par Bernd et Hilla Becher, en employant un vocabulaire qui lui est propre. Nous sommes très loin de la photo de propagande de l’union soviétique de la fin des années 20 où, Rodtchenko par exemple, magnifiait les prouesses industrielles du monde communiste. Edward Burtynsky, dénonce les excès du monde industriel de quelque bord qu’il soit. La composition de ses photos n’est pas laissée au hasard, il utilise la chambre, prend du recul par rapport au paysage, se fait témoin, il prend son temps. Le photographe n’hésite pas à faire une première prise de vue au moyen format puis à revenir fixer l’image avec sa chambre. Le monde de l’art a fait sienne cette démarche militante en accueillant en son sein une vision hyperréaliste et froide de notre univers économique qui n’a aucune préoccupation écologique.

Le site internet d’Edward Burtynsky http://www.edwardburtynsky.com

Manufactured Landscapes
Edward Burtynsky (Photographe)
Lori Pauli (Auteur)
Relié : 160 pages
Editeur : Yale University Press (4 mars 2003)
Langue : Anglais
ISBN-10 : 0300099436
Prix : 50 euros

Plus d’informations sur l’exposition du Centre culturel canadien sur : http://www.canada-culture.org