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Peter Klasen

Jean-Luc Monterosso le directeur de la MEP (Maison Européenne de la Photographie) a convaincu Peter Klasen de rassembler les photos qu’il a prises entre 1970 et 2005 afin de les exposer et d’éditer un ouvrage biographique. Peter Klasen est connu comme artiste peintre et est un des fondateurs du mouvement Nouvelle Figuration. Son univers est concentré sur les détails du monde industriel, engins de chantier, portes métalliques, systèmes de fermetures, tuyaux, manomètres, parties de ponts roulants... Ses toiles hyper réalistes montrent en gros plans du détail de ces pièces métalliques peintes, en y associant parfois des images issues de magazines ou d’affiches. Cet homme de 70 ans a une renommée établie dans le monde de l’art est ses oeuvres sont présentes dans les grands musées du monde.

Les photos que l’on retrouve dans ce livre étaient en quelque sorte des croquis qui lui ont permis de réaliser ses toiles. Ainsi il a arpenté des usines en activité ou désaffectées, des gares de triages, des chantiers. Son œil est attiré comme un aimant par la tôle et la ferraille, il semble ne pas pouvoir résister à appuyer sur le déclencheur pour des images qui parfois semblent banales. Porte de transformateur, manomètre enchaîné à un mur, manette de fermeture, volant de presse, vannes incendie, compresseur d’engin de levage, citernes industrielles, bâches recouvrant un chargement, sont autant d’éléments qu’il capte dans son objectif. Daniel Sibony, qui a rédigé le texte qui accompagne les images, voit là des machinations érotiques. Avec son approche psychanalytique, il tente de démontrer à chaque page que le volant en fonte est un vagin monté sur une petite tige, que les tubes, tuyaux sont des phallus et conclut que les corps en ont assez de se déguiser en machines.

Dans le désert de métal et d’essieux, le regard de Klasen ravivé de blessure, la détresse aux aguets - arrive. Avec un objectif précis, y compris celui de l’appareil, à qui il offre des bribes du monde qui seront triées, agencées et qui, à la sortie, arrivent sur nous, comme des blocs de sens, qui tirent nos regards vers ces bâches, manettes, volants, essieux, cordages serrés - fragments sexués de nos corps, bribes de jouissance têtue qui brisent l’insensé du désert et de l’absence implacable.Daniel Sibony, 2005

Pourquoi ne pas reconnaître à Peter Klasen le plaisir simple d’enregistrer la trace de l’homme sur ces machines. L’esthétique industrielle née de bureaux d’études, l’ingénierie mécanique, sont des témoignages comme les autres de la présence humaine, que l’on pourrait comparer aux dessins retrouvés dans des grottes préhistoriques. Les écritures manuelles, les logos, les chiffres, les cadrans qu’il nous montre ont un sens pour ceux qui travaillent ou qui ont travaillé dans cet univers. Ils sont abscons pour le commun des mortels et prennent ici une dimension kabbalistique. Peter Klasen aime découvrir des coulées de peinture, des circuits de tuyaux, des matières striées, des présences de graissage, comme s’il cherchait à comprendre le fonctionnement. Espionnage industriel ou art ? Il a choisi la voie poétique de l’art, la retranscription sur une toile de cette froideur de la machine parée de couleur souvent criardes et de petits signes secrets. D’une préoccupation fonctionnelle, la machine a pris des formes peu ordinaires qu’il examine. Klasen est aussi le témoin du déclin avec la rouille qui fait son travail, les couleurs qui passent au soleil, ce temps qui s’écoule : c’est aussi notre mort qui arrive, la déchéance de la machine, c’est aussi la mort de l’industrie en Europe. Il est dommage que les couleurs si vives et percutantes des tirages de l’exposition se soient dissipées en entrant dans le livre.

Cercle d’Art (Editeur)
Daniel sibony (Auteur)
Peter klasen (Photographe)
Parution : octobre 2005
Format : 23,5 x 29 cm couverture pleine toile sous jaquette imprimée en couleurs et pelliculée
160 pages,
120 reporductions en couleurs
ISBN : 2702207952
Prix : 30 euros