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Photo trouvée

Michel Frizo et Cédric de Veigy chinent sur des puces depuis plus de 20 ans, ils y cherchent des photos éparpillées dans des cartons à chaussures ou dans des valises anciennes. On imagine qu’ils ont aussi un regard bienveillant sur les albums de famille qui dépassent des poubelles. Cette quête leur a permis de rassembler pour l’occasion 285 photos d’amateurs anonymes. Ils nous apprennent, que plus d’un milliard de photos sont prises chaque semaine, aussi il n’y a rien d’étonnant que la photo de « monsieur tout le monde » devienne un sujet d’étude, l’objet de collection et de récupération artistique.

Sous le titre de « photo trouvée », Michel Frizo et Cédric de Veigy, nous présentent leur collection. L’un est historien de la photographie et directeur de recherche au CNRS, l’autre est enseignant-chercheur. Ces deux passionnés tentent de donner un statut à ces images qui surgissent de nulle part et qui existent bel et bien. Ce sont des instantanés de vie qui n’empruntent pas les circuits de l’art ou de la presse. Ces images relèvent de l’intime, elles sont des parcelles de multitudes d’existences, et c’est certainement à ce titre qu’elles nous intriguent.

L’an dernier l’américain Robert Flynn Johnson présentait une série de 220 photos d’anonymes aux Editions Thames & Hudson. Il y avait là des images qui correspondaient plus à un cadrage académique, comme s’il s’agissait d’un travail de photographe professionnel sans crédits. Michel Frizo et Cédric de Veigy ont pris un autre parti, celui de montrer des images parfois imparfaites avec un négatif voilé sur le coté, un bougé très accentué, un cadrage qui coupe la tête d’une grand-mère. Les thèmes abordés sont le portrait, le paysage et dans une certaine mesure le reportage. A la coupe des vêtements que portent les personnages, on peut dater les images sur une période allant des années 30 et la fin des années 60.

Cette collection donne un statut à la photo d’amateur dans une démarche plus poétique et moins prétentieuse mais assez semblable à celle de l’artiste belge Guillaume Bijl. Il présentait au Jeu de paume en 2004, une installation de « 185 photos importantes et moins importantes de la seconde moitié du XX eme siècle, 1986-1996 ». L’artiste interprétait des photos d’anonymes échappées d’albums de famille qu’il exposait sous son nom, comme étant « le décor de mon temps » ou « le décor de ma civilisation ».
Le livre de Michel Frizo et Cédric de Veigy nous plonge dans l’intimité d’inconnus et nous renvoie des images de notre propre existence.
Les jeunes générations auront du mal à retrouver des références à leur environnement mais les autres devraient reconnaître la 404 de l’oncle, le petit cousin qui montre le livre de Pinocchio qu’il a eu à Noël, le frère qui fait grossir une bulle de savon, le chat assit devant la fenêtre, la petite sœur qui tient maladroitement un nouveau né sur ses genoux. Au delà de l‘identification à ses propre souvenirs, chaque image est une invitation à l’imagination de la vie d’un autre, un inconnu qui nous raconte une histoire, celle de cette femme qui épluche des légumes, celle de cette mariée qui, tel un passe muraille, semble sortir d’un mur, celle de ces enfants qui sautent ensemble dans un canal ou enfin l’histoire de ce jeune garçon qui sort son appareil photo de son étui en cuir...
Ce livre nous conduit à un paradoxe qui consiste à rêver les yeux ouverts devant des images banales.

Photo trouvée
Michel Frizo (Auteur)
Cédric de Veigy (Auteur)
Parution : septembre 2006
ISBN : 0 7148 4579 5
Format : 21,8 x 16,6 cm relié
Nombre de pages : 320 pages
Prix : 40 euros