Publié le

Tout Goude

Il voulait être danseur, il sera fabricant d’images, marchand de rêves, Jean-Paul Goude a marqué la création publicitaire de la fin du XX ème siècle en inventant un univers très personnel. Ses orientations artistiques ont été constamment influencées par ses compagnes.

Cette biographie est écrite à la première personne et se lit comme un roman illustré. Jean-Paul Goude raconte son enfance à Saint Mandé, ses amis d’adolescence, ses études supérieures ratées, son inculture, sa vie à New York, ses rencontres avec Charles Trenet, Jacques Prévert, Andy Warhol... Sa première voiture, une Rolls de 1928 et surtout ses amours qui seront sa source d’inspiration. Des femmes se succèdent dans ses bras, elles deviennent ses égéries, il les transforme, les met en scène, les expose. Illustrateur, photographe, directeur artistique, rédacteur en chef, metteur en scène, organisateur d’évènements, réalisateur de film et d’affiches de publicité, Goude touche à tout avec succès. Si sa vie est un roman, le gros projet inaboutit qui lui tient à cœur est de réaliser un long métrage, sur lui, Goude en personne. Il y passera plusieurs années sans y parvenir, cet épisode se terminera par une bataille judiciaire avec son producteur pour rupture de contrat. Jean-Paul Goude n’a pas dit son dernier mot, il déclare dans une interview donnée à l’Express à la fin de l’année 2005 et recueillie par Jean-Sébastien Stehli « Ce film est aujourd’hui mon obsession n° 1 ».

Très jeune, il façonne son univers qu’il trouve à côté de chez lui, au zoo de Vincennes. Le jeune Jean-Paul va se débrouiller pour devenir le copain du fils du directeur du zoo pour être plus proche des animaux de la jungle qui le fascinent, derrière leurs barreaux. Cette fièvre de la jungle va se retrouver tout au long de son travail, Grace Jones dans sa cage, les petits personnages des publicités Kodak qui déambulent dans la savane, le rugissement du lion dans la publicité Perrier....Et puis non loin du zoo, il y a le Musée des colonies et ses grandes fresques qui représentent des femmes africaines, maghrébines et annamites astucieusement dénudées, qui l’obsèdent et qui vont déterminer sa sexualité. Ses compagnes seront africaine, algérienne et coréenne. Cet aspect multiculturel, ethnique est aussi très présent dans ses créations, on le retrouve en 1989 dans le défilé pharaonique qu’il organise sur les Champs-Élysées à l’occasion du bicentenaire de la Révolution Française. Cette commande du gouvernement se termine par l’apparition de Jessy Norman, artiste noire, drapée de bleu, blanc, rouge, sortant d’une pyramide et chantant la marseillaise. Cette manifestation grandiose contribuera à assoir sa popularité et sa notoriété internationale.

Goude affiche clairement ses cotés mégalo, son attirance pour des budgets énormes, son tempérament noceur et dépensier, il porte un regard objectif sur ses comportements et contradictions, il souligne les moments de sa carrière où il a pris « la grosse tête ». Cette autocritique le rend sympathique mais par contre on comprend la réticence de ses compagnes qu’il a essayé de transformer. Il redessine, photographie le corps de ses compagnes, le transforme, il est à la recherche de la forme idéale, Goude se prend pour Dieu le créateur.

 Cela commence avec Sylvia à qui il propose une opération de chirurgie esthétique du nez, qui en définitive ne se fera pas.
 A l’attention de Radiah il fait fabriquer des chaussures de trente centimètres de haut afin qu’elle atteigne les deux mètres et que les regards se retournent vers elle dans les soirées. Il lui confectionne aussi des scarifications détachables pour agrémenter son visage.
 Fou de Toukie, il l’invite à mouler son corps intégralement. Trouvant ses jambes un peu courtes il réalise une statuette, réplique exacte du moulage en modèle réduit et lui rallonge les bras et les jambes, la dame n’appréciera pas, on la comprend.
 Avec Grace Jones, mère de son premier fils, il colore sa peau noire en bleue, met en scène ses spectacles. Lors d’un tour de chant, Grace chante face à un tigre en cage, la lumière s’éteint puis se rallume, le tigre a disparu, Grace est nue dans la cage, rugissant, avec un os sanguinolent au sol. Malgré sa plastique de rêve elle n’échappera pas aux montages avec des photos découpées, aux images peintes, avec notamment la célèbre photo de Grace de profil, sur fond vert pale, un micro à la main « Grace revue et corrigée ».

 Farida l’algérienne passera aussi par les coups de ciseaux qui la grandissent au delà de son un mètre quatre-vingt. Il lui coupe les cheveux également, ce qui lui donne un air de garçon. Ce fantasme est récurent chez Goude, qui tend à mettre une tête masculine sur un corps féminin ; on retrouve cette obsession sur une affiche des Galeries Lafayette avec Laetitia Casta. A chaque rupture Goude appréhende une autre culture et étend son vocabulaire pictural.
 Avec Karen, la coréenne qu’il appelle The Queen of Séoul, il évoque une tanagra aux yeux bridés, une petite pomme d’api asiatique, il lui imagine un rôle d’héroïne qui se bat contre des samouraïs. Goude se plonge dans l’histoire de la Corée, dévore tout ce qu’il trouve sur le sujet. Malgré leur grande différence d’age, elle deviendra sa femme et ils auront deux enfants. Dans ces photos de 1996, là encore il la représente avec des jambes démesurées, en suspension au dessus du sol. Elle a l’honneur de figurer sur la couverture de cet ouvrage. Comme une figurine de collection, cette reine Min est posée dans un écrin protecteur de paille tel un objet précieux que découvre un enfant gâté.

A 66 ans Jean-Paul Goude est toujours présent dans le monde de la publicité, depuis quatre ans il met en scène Laetitia Casta sur les murs du métro pour les Galeries Lafayette. On attend avec patience son film qu’il finira bien par réaliser un jour.

La Martinière (Editeur)
Jean-Paul Goude (Photographe)
Parution : 14 novembre 2005
Collection : mode
Format : relié
348 pages
ISBN : 2732433314
Prix : 70 euros